- EITOKU K.
- EITOKU K.Le peintre Kan 拏 Eitoku est l’incarnation de l’époque Momoyama (fin du XVIe s.), au cours de laquelle des guerriers ambitieux tentèrent d’unifier le Japon, déchiré et ravagé par les luttes intérieures qui menaçaient l’équilibre de la société. Hommes nouveaux, Nobunaga, chef d’un petit fief provincial, et Hideyoshi, d’origine paysanne, se montrèrent soucieux d’affirmer leur prestige par la somptuosité de leurs résidences et par leur vie luxueuse. Eitoku décora leurs demeures, créant un style bientôt classique et qui restera, malgré un certain académisme, celui de l’école officielle des sh 拏gun Tokugawa jusqu’en 1868.Au service des daimy size=5拏Eitoku était le petit-fils de Kan 拏 Motonobu (1476-1559), peintre officiel de la cour des Ashikaga. Artiste éclectique, Motonobu avait su concilier l’emploi de la peinture à l’encre, à la mode chinoise, hérité de son père Masanobu, avec les couleurs vives de l’école Tosa, gardienne à la cour impériale des traditions du Yamato-e, la peinture nationale du Japon, élaborées au cours de l’époque Heian.De son vrai nom Genjir 拏, le peintre eut plusieurs noms de pinceau: Kuninobu, Eitoku.En 1576, Eitoku est désigné pour assurer la décoration intérieure du château fort d’Azuchi, que le daimy 拏 Nobunaga faisait ériger sur la rive est du lac Biwa. Disparue dans les flammes dès 1582, cette résidence grandiose a laissé dans l’esprit des contemporains un souvenir impérissable. Pour les vastes appartements officiels éclairés faiblement par la lumière du jour, Eitoku créa le dami-e : peinture en couleurs vives et opaques (empruntées aux Tosa) sur un fond doré, analogue à celui des paravents. Des cernes épais et souples entouraient ces compositions aux tons contrastés. Les peintures, exécutées sur papier blanc, étaient ensuite entourées de rectangles de papier doré, découpés et collés sur le fond. Ce fut également un trait de génie de l’artiste que de consacrer chacune des grandes salles à un seul thème floral: fleurs de prunier, pivoines, érables rouges, évocateurs de la succession des saisons à laquelle les Japonais ont toujours été très sensibles.Après la mort de Nobunaga, son lieutenant Hideyoshi s’empare du pouvoir; grand bâtisseur, il associe Eitoku à sa gloire. Il subsiste peu de vestiges de ces immenses ensembles. Le rayonnement d’Eitoku resta si grand, au cours des siècles qui suivirent, que de nombreux moines de Ky 拏to attribuèrent au peintre une partie des décors de leurs monastères. La tradition des moines du Daitokuji reconnaît dans le décor du Juk 拏in le travail conjoint d’Eitoku et de son père Sh 拏ei. Ces seize portes à glissière sont centrées sur deux grandes compositions, l’une représentant un prunier en fleur où perchent des oiseaux, l’autre un pin au tronc tordu auprès duquel se tient une grue. L’influence de Motonobu est encore visible dans le choix des thèmes, mais la touche souple et ferme atteste un dynamisme inconnu jusqu’alors.Autre peinture de jeunesse, une paire de paravents, composés chacun de six feuilles représentant des vues de la capitale et de ses alentours, et connus sous le nom de Rakuch -Rakugai zu by 拏bu . Le style précis des bâtiments rehaussés de couleurs vives s’allie à la vivacité d’une multitude de personnages. L’œuvre est très proche de la tradition des Tosa, mais celle-ci est revivifiée par le tempérament du peintre.Les grands thèmes décoratifsSi, grâce à ces peintures de jeunesse, on connaît le style d’Eitoku débutant, on sait aussi que, faute de loisirs, l’artiste n’eut plus que rarement l’occasion de s’adonner à des œuvres de petites dimensions et se consacra exclusivement à l’élaboration de grands thèmes décoratifs, dont il dut souvent confier la réalisation à des membres de son atelier. C’est ainsi qu’on ne connaît que trois œuvres datant de sa maturité. Deux d’entre elles sont de grands décors officiels. L’autre, actuellement montée en deux kakemono , pourrait provenir de fusuma (porte à glissière) ou d’un paravent. Conservés au Musée national de T 拏ky 拏, ces kakemono représentent, traités à l’encre, des sujets empruntés à la tradition chinoise.Le Paravent aux lions à la chinoise , qui appartient à la Maison impériale, est une peinture plus officielle. Les deux lions, symphonie de blanc, vert et brun, se détachent sur le fond or; dans le haut du paravent, le seul motif est un tronc d’arbre, et, de ce fait, les deux animaux semblent se mouvoir dans un espace abstrait. L’absence de détails montre la puissance de synthèse à laquelle était parvenu Eitoku dans l’exécution des œuvres de grand format. Mais l’ensemble n’a ni la souplesse ni surtout la passion des peintures de sa jeunesse. On observe les mêmes tendances dans le Paravent au cyprès du Musée national de T 拏ky 拏, qui comporte huit feuilles sur fond or. Au centre, un immense cyprès, dont les branches s’étendent avec une symétrie assez remarquable, se dresse au-dessus d’une étendue d’eau d’un bleu profond. Le tracé, puissant, est plus sec que dans les créations antérieures. S’agit-il de la dernière œuvre d’Eitoku ou du travail d’un disciple dirigé par le maître? Quoi qu’il en soit, on peut y observer l’accent toujours plus décoratif qui sacrifie l’émotion à l’effet, tendance que l’on verra se perpétuer dans l’atelier des Kan 拏.
Encyclopédie Universelle. 2012.